LE paysage politique vit en permanence le syndrome du provisoire qui dure. Plus que jamais, les tendances vont clairement dans le sens inverse, notamment en ce qui concerne l’installation des instances constitutionnelles censées éviter au pays les blocages structurels et organiques. On continue à distinguer une attraction complètement opposée à ce qu’on attendait, à ce qu’on aspirait. On reconnaît en passant que la scène politique est affectée par la dégringolade continue des droits et des devoirs. Des règlements et de la juridiction. Des valeurs et des principes.
Intrigant : c’est toujours quand il y a un blocage que l’on pense aux instances constitutionnelles. Le plus inquiétant est celui qui existe, en l’absence d’une Cour constitutionnelle, entre les trois présidences. La crise institutionnelle, qui est devenue un terrain d’affrontement entre Carthage, Le Bardo et La Kasbah, risque de durer encore plus longtemps, voire s’éterniser. Les idées, les alternatives et les solutions, mais aussi les volontés, sont souvent évoquées. Mais elles se volatilisent quand on n’y donne pas de suite.
Il faut dire qu’à défaut de légitimité, censée être obtenue par les élections, il n’y a pas vraiment une instance qui évolue aujourd’hui avec une référence explicite à une forme de gestion réglementée. Le contexte actuel constitue un exemple révélateur du provisoire qui dure. Comme s’il était interdit d’avoir des instances qui règlementent, légifèrent et statuent sur les conflits. Entre réformes et conservatisme, l’urgence serait de moraliser le paysage politique. Que ces instances soient reconnues dans la vocation qu’elles méritent. Qu’elles soient plus grandes que n’importe quelle autre partie prenante. L’impératif est de protéger la Tunisie qui construit sa démocratie et son avenir, même de ses principaux acteurs. Le besoin se fait aujourd’hui sentir : réinventer en profondeur les règles et les bases à travers lesquelles chaque partie se revendique.
Les différents acteurs donnent de plus en plus l’impression d’être en déphasage avec la réalité. Ils se renvoient la balle dans un environnement fait de doute, de réticence, de réserve et de restriction. Et c’est là toute la base d’un renoncement constitutionnel, notamment lorsqu’il est mené avec insignifiance et imperceptibilité.
Finalement, quelles perspectives pour un paysage politique dont les principaux acteurs sont défaillants? Quelles solutions, quelles alternatives, quelles ressources et quels moyens pour faire face aux exigences d’un environnement réincarné, transfiguré? On aurait aimé que les instances constitutionnelles, dans leur différentes vocations et prérogatives et à travers ce qu’elles sont censées véhiculer et entraîner, puissent servir à l’évolution du rôle et de la mission des hommes politiques. Le comportement et l’attitude de beaucoup d’entre eux ne sont plus un signe de crédibilité absolue… Mais si l’indécision est plus que jamais à l’ordre du jour, si on voit mal les différentes parties prenantes associer leurs actions, partager les mêmes principes au moment où les valeurs explosent d’un côté comme de l’autre, certaines bonnes volontés n’hésitent pas à préconiser une nécessaire prise en main du paysage politique, lequel est devenu, du reste, le symbole de la décadence…